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Présentation : For the People (GMT Games)

pic7870141.pngA l’occasion de la réédition fêtant le 25ème anniversaire de For the People de GMT Games, Strategeek vous propose cette présentation du jeu faite par Philippe B. alias Blacky sur le forum Strategikon. Nos remerciements pour son autorisation à partager celle-ci.

For the People est un card-driven déjà vénérable, mais qui a très bien vieilli : à la fois dynamique, équilibré, haut en couleur et facile d’accès pour ce qui concerne les règles. Il fera d’ailleurs l’objet d’une réédition très prochainement chez GMT, avec une map aux graphismes changés. Ici point d’hexagones ou de zones, mais des espaces reliés entre eux et au coût d’entrée identique (facile, donc) : seul le nombre d’espaces pour aller d’un point A à un point B rend compte de la difficulté du terrain (imparfaitement, diront certains). Elle s’étend du Missouri au New Jersey, et de l’Indiana à la Floride. Certains espaces sont des capitales régionales (pour le Nord) ou des ressources fortifiées (au Sud) et bénéficient intrinsèquement au défenseur. Par ailleurs, on retrouve toute la géographie de la guerre navale (rivières, forts côtiers, blocus naval par zone), un aspect un peu compliqué du jeu (nous y reviendrons) même si, comme David Sherwood, on peut parfaitement ne pas en connaître toutes les subtilités et être un excellent joueur.

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Les unités sont génériques (des Strength Points, ou SP) : 1SP=6000 hommes. Elles ne peuvent se mouvoir en territoire ennemi que sous le commandement d’un général prestigieux (seuls ceux-ci sont représentés). Un général peut manoeuvrer un corps d’armée de 6Sp et une armée de 15Sp. Seules les armées peuvent agréger différents généraux subordonnés pour profiter de leurs bonus au combat (attaque-défense). Sans surprise, les généraux les plus performants sont Lee, Jackson, Grant et Sherman (tous 3-3), Longstreet (2-3) et Sheridan (3-2), mais il y en a beaucoup d’autres. Les généraux apparaissent au cours du jeu à des dates précises : ils ont alors acquis un prestige suffisant pour plonger dans le grand bain. En revanche, leur date de décès n’est pas historique, tout se passera lors des combats. Last but not least, chaque général a un coût d’activation de 1 (excellent) à 3 (mauvais) dont on s’acquitte en général en jouant une carte « pour ses points d’opération ». Or, comme le jeu de cartes est équitablement réparti entre des cartes 1, 2 et 3, on voit vite qu’un camp avec une majorité de généraux ultra-prudents ne va pouvoir bouger qu’une fois sur trois grosso-modo.

Le jeu de cartes, donc : 130 cartes communes, que l’on peut jouer pour l’Event ou les points d’opération (ou : pour l’OC). Du très classique. Chaque tour, 7 cartes sont distribuées aux deux joueurs (un peu moins durant les trois premiers « tours de chauffe »). Les Events sont d’un intérêt divers, voici les plus importants :

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Les campagnes : 7 mineures et 2 majeures, qui permettent d’activer deux ou trois généraux à la fois.

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Les cartes de concentration : une poignée seulement, elles permettent de concentrer des forces sudistes en vue d’une bataille et de créer la surprise.

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Les discarders : là aussi une poignée, équitablement répartis entre USA et CSA. Leur importance est grande, car elles permettent, en défaussant une carte adverse, de jouer deux fois de suite et d’obtenir un résultat tactique probant (encerclement, coupure du ravitaillement, assaut final sur une position affaiblie, etc.).

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Forward to Richmond est unique, mais elle fait peser une menace constante sur le nordiste car elle l’oblige à diriger une armée sur Richmond pour l’attaquer, au mépris du danger. Pendant ce temps, Washington est peut-être sans défense…

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Enfin, Emancipation Proclamation et Foreign Intervention sont les deux cartes conditionnelles du jeu, qui apportent un avantage important au nordiste (EP) et au sudiste (FI). Si la condition n’est pas remplie, leur utilisation implique de mélanger la défausse avec les cartes restantes dans la pioche.

Les effectifs :
ils commencent à deux contre un en faveur du nordiste, puis chaque tour augmentent de 18 pour USA et de 13 pour CSA, en plus de certains Events. Le blocus naval progressif permet également de diminuer les renforts sudistes. +5 de base/tour pour USA donc, mais comme CSA joue en général la dernière carte du tour, il a la possibilité de se repositionner pour diminuer l’attrition due aux maladies et désertions, alors que le joueur nordiste est souvent obligé de maintenir des effectifs conséquents en certains endroits avant la dernière carte sudiste pour parer à toute mauvaise surprise, ce qui provoque une attrition importante (bien vu, puisque les maladies et famines représentent une part colossale des pertes de la guerre de sécession).

Les mouvements :
un corps d’armée peut bouger de 8 espaces, une armée de 6. Or, 8, c’est beaucoup, me direz-vous : j’y reviens très vite. Lorsqu’un ennemi arrive dans un espace contigu, on peut tenter de l’intercepter (avec son facteur de défense et l’aide de la cavalerie), mais attention : si l’interception est ratée, on ne peut en retenter avant la fin du mouvement ennemi, qui est donc libre de se balader impunément à proximité d’autres fâcheux. Voilà une règle qui a fait couler beaucoup d’encre, et qui est un véritable choix de conception, à rapprocher du potentiel de mouvement élevé des corps d’armée. Quel est l’objectif de ces deux règles ? Régler le problème de la vision infaillible et totale qu’a le joueur du dispositif adverse, à une époque où les moyens de renseignement étaient très limités. Autrement dit : même si vous savez où sont les troupes de l’adversaire, elles peuvent se déplacer un peu n’importe où et échapper totalement à votre surveillance rapprochée, à tel point que leur position initiale peut être presque considérée comme une supposition plus qu’une certitude. Son corolaire : à For the People, si vous n’assurez pas vos voies de communication ou si vous ne vous protégez pas de l’encerclement par des garnisons bien réelles sur les points nodaux, comme si vous ne saviez pas véritablement où est l’adversaire, vous serez puni. Et pourquoi pas ? J’achète.

Le combat :
Il se résout en jetant 1d6 de chaque côté, en ajoutant des modificateurs (généraux, fort, ratio) et en comparant les pertes de chaque camp sur cette fameuse table de combats : celui qui a fait le plus de pertes gagne la bataille et repousse l’adversaire. En cas d’égalité, le défenseur gagne. Certains résultats comprennent une astérisque, ce qui signifie que l’attaquant gagne en cas d’égalité. La table de combats se départage en trois types de bataille (petite, moyenne, grande) en fonction des effectifs additionnés des deux camps, avec pour chaque type des dégâts possibles différents. Elle est élaborée par M. Herman de façon purement statistique, en compilant les résultats connus de tous les engagements du conflit. Elle appelle les commentaires suivants :
– l’attaquant est avantagé lors des batailles moyennes, désavantagé sinon ;
– à condition d’obtenir un résultat extrême (10) grâce aux modificateurs, l’attaquant est sûr de remporter une bataille moyenne, sauf contre une capitale ou Ressource Space. Autrement dit : hormis contre un défenseur très nombreux qui vous impose, par son nombre, une Large Battle, un attaquant disposant de la supériorité tactique (Lee…) est inarrêtable. Tant qu’il lui reste des troupes…
A noter que, lors des combats, si le résultat obtenu est extrêmement favorable (10 au dé, donc), il y a une chance sur deux de perdre un général par manque de prudence. Là encore, c’est une règle controversée (pourquoi perdre un général quand tout va bien ?) : Herman la justifie en expliquant que les statistiques révèlent justement ce phénomène.

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la fameuse table des combats, où vous apprendrez vite à chérir les effectifs suivants : 2, 4, 6, 8, et 16

Les règles fluviales :
C’est la partie un peu délicate du livret de règles, jusqu’à ce que l’on adopte une analogie mécanique qui vous permet de ranger le Rulebook dans la boîte pour toujours. En effet, les capacités navales des deux camps étant radicalement différentes, tout cours d’eau est considéré comme Union-controlled tant que le joueur CSA n’annule pas ce contrôle. Or, un cours d’eau Union-controlled ne peut être traversé par les troupes CSA, ce qui a son importance…A noter que la réciproque n’est pas vraie : un cours d’eau sur lequel le joueur CSA annule le contrôle USA n’empêche en rien les troupes de l’Union de traverser. Oui, mais comment savoir où et si le joueur CSA annule ce fichu contrôle ? Très simple : imaginez un problème de plomberie. Considérez que l’Union envoie de la pression au départ de chaque cours d’eau originaire d’un Etat nordiste, et depuis la mer. C’est tout. Tant que cette pression n’est pas arrêtée par un robinet, elle s’écoule le long du tuyau. Et il n’existe que deux types de robinet : les forts (côtiers ou non) et les cuirassés. Voilà, problème réglé, et ça marche à tous les coups.

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Application pratique n°1 : une armée CSA placée à DC peut-elle bouger directement de DC à Manassas sans passer par Frederick, malgré la grosse barre bleue (flèche rouge) ? Autrement dit, le contrôle de l’Union sur le Potomac est-il annulé ? Certes, comme le montre le cercle rouge, le Potomac est issu d’un Etat sudiste, donc la pression ne vient pas de là. En revanche, elle vient de la mer via Acquia Creek…le Potomac est bien Union-controlled et l’armée CSA ne peut passer directement de DC à Manassas. En plaçant un robinet à Acquia Creek, c’est possible !

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Application pratique n°2 : un robinet CSA à Dover est très important, car il permet de couper la pression nordiste venant de l’Ohio et pouvant polluer les tuyaux Tennessee et Cumberland (voir flèche), pourtant originaires d’Etats sudistes. Tant que ce robinet existe, une unité CSA peut librement passer de Nashville vers le Kentucky. Si le robinet lâche…

Comment on gagne ? En décourageant l’adversaire, c’est-à-dire en baissant suffisamment sa jauge de volonté politique (SW). Cela se produit lorsque le sudiste occupe, même momentanément, des territoires nordistes ou rallie le Missouri et le Kentucky à sa cause, lorsque le nordiste détruit des capitales régionales sudistes, lorsque des armées sont détruites, lorsque le blocus naval fait son effet, et le plus important : lorsque les capitales de l’Union (Washington) et de la Confédération (Richmond) sont occupées. Si le nordiste doit faire baisser CSA SW de 100 à 0 (cela prend un certain temps), le sudiste doit pour gagner avoir deux fois plus de SW que l’adversaire, ce qui correspond environ à : Washington occupé + une armée USA détruite + 2 raids en territoire nordiste. Le sudiste gagne également en ne perdant pas lorsque se termine le tour 13, mais nous y reviendrons.

La stratégie d’ensemble :
C’est souvent le dilemme d’un débutant à For the People : une carte immense, quelques pions, 4 cartes en main…Et maintenant, que faire ? Quels sont les enjeux ? Les points clés ? Voici quelques pistes de réflexion :
– la protection de Washington et de Richmond, comme historiquement, doit monopoliser l’attention et les moyens des deux joueurs, car si la prise de Washington est le début de la fin pour USA, la chute de Richmond et les -15 SW qui l’accompagnent sonnent souvent le glas d’une victoire rapide pour CSA. Or…
– la victoire sudiste au long cours est très difficile à obtenir, tant l’entrée en jeu de Grant au tour 7 et de Sherman au tour 10 changent la donne. Il faut donc que CSA cherche la victoire par ko avant le tour 7 (arrivée de Grant). Pour cela, il lui faut profiter de chefs plus dynamiques et meilleurs tacticiens pour 1) prendre DC sans perdre Richmond et 2) couper les lignes de renfort nordiste (les voies ferroviaires allant vers le bord de carte Nord) afin d’assécher les armées nordistes et enclencher un cercle vertueux ;
– a contrario, USA doit absolument protéger initialement DC et ses renforts. Le reste est secondaire, même s’il est tentant de se disperser dans la guerre navale, le Kentucky ou le trans-Mississippi. Cela ne veut pas dire qu’il doit rester passif, car bien souvent, la meilleure défense de DC, c’est l’attaque…Il y a un équilibre à trouver, en fonction des cartes tirées, de son tempérament et de l’adversaire. Par la suite, la victoire s’obtiendra en affaiblissant lentement mais sûrement CSA (guerre d’attrition, blocus naval, mise hors-jeu d’Etats sudistes).

Voilà, à gros traits, la problématique. CSA est un puncheur pressé qui, tel Marvin Hagler blessé à la tempe, doit mettre KO Hearns avant que l’arbitre ne mette fin au combat (pour voir les trois rounds les plus féroces de l’histoire de la boxe, c’est ici https://www.dailymotion.com/video/x2iho … ion=273844). Chaque année comptant 3 tours :
– en 1861, CSA a fort à faire pour sauver Richmond, et préparer la contre-attaque. A ce moment, USA a une réelle possibilité de prendre l’avantage, mais attention à ne pas trop se découvrir ;
– en 1862, CSA doit résolument s’employer pour terminer la partie. Il a Lee, puis Jackson et Longstreet à sa disposition, quand USA ne peut que lui opposer de médiocres adversaires (les meilleurs étant Pope et Burnside). Mais il doit vaincre, car…
– 1863 voit arriver Grant aux plus hautes responsabilités. En général, cela suffit à préserver l’équilibre avant que n’arrive Sherman en 1864. Là, si l’usure a bien eu lieu, le rapport des forces ne permet plus à CSA de renverser le cours des choses, et l’attrition qui suit le condamne la plupart du temps.

La fiche du jeu sur le site de l’éditeur ainsi que sur BoardGameGeek.

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Cette entrée a été publiée le septembre 4, 2024 par dans Card Driven Games, GMT Games, Guerre de Sécession, et est taguée .