FALLING SKY – The Gallic Revolt Against Caesar
Je vais parler aujourd’hui d’un jeu attendu avec une grande impatience par un paquet de joueurs, “Falling Sky,” de GMT. Si vous ne connaissez pas encore ce titre, c’est que vous suivez l’actualité de notre (tout) petit monde ludique de loin ! Falling Sky appartient au système COIN, cette série grandissante, dont j’ai parlé récemment dans un autre article pour le jeu Pendragon.
Rappelons que cette appellation COIN est en fait un acronyme pour COunterINsurgency. Il s’agit donc d’un système qui s’intéresse en particulier aux rebellions, guérillas, raids et toute autre forme de guerre asymétrique et non-conventionnelle.
Falling Sky va se concentrer sur un sujet rarement traité, et qui devrait diablement nous motiver, nous autres mangeurs de baguettes et de fromages, buveurs de vin et porteurs de bérets, et nous permettre de flatter (hmm, à voir…) notre esprit cocardier. Pour cela, on va remonter assez loin dans notre histoire nationale, jusqu’aux guerres menées par César pour mater les révoltes gauloises, après la conquête de notre beau pays. Ce sujet ne va pas manquer de toucher la corde sensible de maints wargamers tricolores ! Pour une fois qu’on sort des guerres napoléoniennes ou des 2 GM, on va pas s’en plaindre…
Bon, de quoi t’est-ce qu’il en retourne ?
Commençons par un petit rappel historique. Après avoir avalé et digéré la Gaule Cisalpine (celle située « de ce côté-ci des Alpes », c’est-à-dire en Italie du point de vue romain) dès 191 avant JC, puis la Gaule Transalpine (« de l’autre côté des Alpes », c’est-à-dire chez nous) en –121, la République romaine tourne son regard avide vers la Vraie et Sainte Gaule, celle qui résiste encore et toujours à l’envahisseur.
Les Romains, pleins de vice et de jalousie la nomment la Gaule Chevelue, les méprisables. On a bien le droit d’aimer porter les cheveux longs, non ? Merde, quoi ! Je les portais bien sur les épaules quand j’étais étudiant, jusqu’au jour où ma copine… bon, bref… Voilà-t-y pas qu’à Rome, un jeune blanc-bec répondant au patronyme ridicule de Jules César, nommé à la tête de quelques légions, s’imagine en –58 pouvoir réduire les fières peuplades celtes en esclavage. L’imbécile ! Prenant pour prétexte quelque migration barbare (en l’occurrence, des Helvètes désirant s’installer près de l’Atlantique, en bons touristes suisses), le voilà qui entre impudemment chez nous, prenant notre territoire pour un moulin, sans doute… Mal lui en prend… enfin, surtout pour nous, puisqu’en –51, Jules a fini de conquérir la Gaule !
(Et voilà, bien fait pour sa pomme. César jette ses armes aux pieds de Vercingétorix – à moins que ce ne soit l’inverse…)
Ce fut dès lors la fin de notre belle civilisation gauloise, aux villages de huttes insalubres et aux druides coupeurs de gui et de gorges (car ils ne rechignaient pas à offrir un sacrifice humain de temps à autres), au profit de l’abominable envahisseur bâtisseur de cités éblouissantes et d’aqueducs immortels…
Dis comme ça, l’invasion paraît avoir été une promenade de santé. La vérité est tout autre. La Guerre des Gaules a été en fait une histoire très complexe d’invasions, d’alliances et de trahisons, de victoires et de défaites, de révoltes et de pacification (litote…). Il y avait sans aucun doute matière à faire un jeu sur le sujet. Or, à part un récent Caesar’s Wars chez Decision Games en 2012, ou un Caesar’s Gallic Wars chez Worthington en 2009, je ne connais pas grand-chose traitant de la Guerre des Gaules.
On comprend mieux dès lors l’agitation qui secoue notre communauté de joueurs. Et moi qui ait une forte envie de rebâtir une belle civilisation au fond de nos marécages boueux, j’ai bien l’intention de mettre une sacrée raclée aux pré-bouffeurs de pizzas ! Notez que je n’ai rien contre les étrangers, mais les donneurs de leçons d’architecture superbe, je supporte pas ! On était très bien avec nos menhirs bancals, merde, et on avait rien demandé à personne !
Oui, bon, revenons à nos moutons…
Falling Sky est l’oeuvre de 2 co-auteurs, Volko Ruhnke et Andrew Ruhnke. Une fine analyse du nom de ces gars permet d’imaginer qu’il y a un lien de parenté… Le jeu se présente classiquement avec une belle carte en carton, différents blocs de bois simulant les divers types de troupes, des cartes Evénements pour épicer le cours de la partie, et des aides de jeu. Le matos a l’air très bien. Seule l’illustration de la boîte laisse pour le moins à désirer : un gus se promène dans une nature sauvage, aucun rapport apparent avec le sujet… Bizarre !
(La carte est typique de la série COIN, mais j’aime bien… Il s’agit ici de la maquette, je pense).
Ce warteau ne s’intéresse pas à la conquête proprement dite de la Gaule, mais bien à sa consolidation. Ce qui en clair consiste à mater les innombrables révoltes que les fiers gaulois vont organiser pour chasser l’odieux occupant. Il y aura donc quelques batailles rangées, quelques sièges et surtout des raids, des embuscades, des tactiques de terre brûlée, etc. Il s’agit là d’opérations qui entrent bien dans la série COIN, donc.
Les tribus sont toutes « Soumises » au début du jeu, qui débute en –53. Mais au fait, quelles tribus ? Les designers ont choisi de faire apparaître 5 factions. Côté barbares, on trouve les Arvernes de Vercingétorix, représentatifs des Gaulois opposés à César, les Eduens qui eux soutiennent l’envahisseur, les Belges d’Ambiorix qui cherchent aussi à rester indépendants, et les Germains qui, fidèles à une tradition millénaire, viennent mettre un peu la zone partout en Gaule. Cependant, le rôle de ces derniers ne nécessite pas de joueur, le designer précisant que César les avait déjà suffisamment affaiblis pour que leurs effets néfastes restent limités ! Le quatrième joueur jouera bien sûr le rôle de Jules et ses légions…
Toutes ces factions sont surtout taillées pour équilibrer le jeu, elles n’ont pas vraiment de réalité historique, comme le rappelle Andrew Ruhnke. Les tribus gauloises étaient trop turbulentes et capricieuses pour former de telles alliances durables… particularité qui est restée bien française, non ?
Les 3 factions gauloises fonctionnent évidemment très différemment les unes des autres.
Les Arvernes s’avèrent être les plus fortement opposés à Rome. Ils cherchent d’autant plus à étendre la révolte que leur but dans le jeu est de chasser les romains de Gaule, ni plus ni moins. Et toutes les voies sont bonnes : vaincre les légions sur le terrain, razzier les régions qui soutiennent l’envahisseur (et ainsi le priver de ravitaillement), mais aussi tenter de convaincre le sénat romain, en s’appuyant sur les adversaires politiques de César, qu’il est vain de poursuivre la lutte.
(L’armée de Vercingétorix – le pion en bas à gauche représente les troupes commandées par Abraracourcix).
Les Belges aussi essaient de se débarrasser des Romains, mais leur principale préoccupation reste le contrôle de leurs zones géographiques. Ils ont aussi la particularité de pouvoir recruter temporairement leurs voisins germaniques, ce qui apportera du punch à leurs coups…
Ces 2 factions devront s’entendre sur une politique commune, car chacune est trop faible pour rivaliser avec César. Il leur faudra en particulier rallier des tribus à leur cause, et botter le plus souvent possible les fesses trop grasses et trop molles du civilisé romain. Mais leurs conditions de victoire sont assez proches, et des retournements d’alliances ne sont évidemment pas impossibles…
Autres Gaulois, les Eduens cherchent aussi à devenir la tribu la plus puissante de Gaule. Mais comme ils sont faibles militairement, ils s’appuieront pour cela sur l’alliance passée avec les Romains. Ils doivent en particulier essayer de tirer avantage des besoins romains en termes de ravitaillement et d’appui. Leur situation centrale sur la carte est un bel atout à agiter sous le nez du romain. Ce sera l’occasion pour eux de manipuler la politique de Juju pour leur propre compte. Hum… servir César, mais pas trop, tout en se servant soi-même au maximum du puissant César… pas simple… Il faudra la jouer fine, et être très diplomate. Par ailleurs, les Eduens peuvent aussi amener certaines tribus gauloises à les rejoindre.
Les Romains cherchent bien sûr à dominer tout ce beau monde. Ils peuvent pour cela entreprendre quelques actions « fines.» Par exemple, accorder des avantages matériels (type bâtiments) en échange d’une soumission. Mais en général, le Romain n’essaie pas de convaincre les gentils Gaulois de rejoindre son empire. Il va les y contraindre, le vil pré-Rital ! Et pour cela, il dispose d’arguments assez persuasifs, du genre légionnaires, cavaliers, pilum, glaives, etc… L’armée romaine est en effet la plus rapide et la plus percutante des troupes en jeu. Les légions sont de plus appuyées par des auxiliaires, des forts… Elles ne chercheront pas trop à finasser, et peuvent se débarrasser de tribus entières en les vendant comme esclaves. Un moyen bien pratique de faire disparaître de pacifiques opposants ! Toutefois, les légions ont aussi besoin des Gaulois pour leur ravitaillement. Il va falloir se ménager au moins un allié… Il s’agira bien sûr des Eduens…
La 5ème faction enfin, est celle des Germains. Elle n’est manipulée par aucun joueur, sauf lorsque le Belge parvient à s’adjoindre leurs services. Ceci est d’ailleurs une affaire un peu risquée, car les Germains peuvent aussi ravager les terres belges. Attention donc aux conséquences… Plus ordinairement, ces indécrottables barbares sont activés lors de la phase d’Hiver, et suivent les instructions données par un « moteur » de jeu. Enfin, des cartes Evénement permettent aussi de les activer ponctuellement.
(Quelques cartes Evénement… Elles ont l’air très bien, mais c’est illisible, dommage).
Tout ceci est bel et bon, et rappelle indiscutablement les autres volumes de la série COIN. Une particularité à Falling Sky est la possibilité (voire la probabilité) de batailles rangées importantes, tel qu’il y en eut historiquement. Tout le monde a, par exemple, entendu parler de l’admirable victoire de Gergovie, lors de laquelle Abraracourcix s’empara d’un précieux butin ! Il y eut maints autres succès, comme… euh… oui, bon, c’est sans importance…
Il y a aussi la possibilité de mener des sièges, bien qu’aucun exemple connu ne me vienne à l’esprit (et que l’on ne me taxe pas de mauvaise foi, c’est juste de la pure ignorance… !!)
Une autre particularité est la présence de chefs précis. La localisation géographique d’un chef a beaucoup plus de conséquence en –50 qu’aujourd’hui, bien sûr. Pas de communication radio pour ordonner des manœuvres délicates. Les troupes qui entourent le chef sont donc également cruciales dans ce jeu, car elles seules pourront agir immédiatement. Le système intègre ces facteurs par le biais d’Actions Spéciales qui ne peuvent être accomplies que par les troupes accompagnant leur chef, ou se trouvant à 1 région de distance. S’il advient que le chef est tué, son remplaçant sera moins efficace. Par exemple, seules les troupes se trouvant dans la même région que lui pourront exécuter une Action Spéciale. Attention à bien protéger ses leaders…
Le Sénat romain va aussi intervenir dans le cours de la partie. En gros, plus César triomphe en Gaule, et plus le Sénat pavoise. Mais il pourrait suffire de quelques revers de fortune pour voir le Sénat se retourner, et limiter les renforts en légionnaires, ou en auxiliaires… dont César a tant besoin en Gaule. Certaines cartes (comme Cicéron) peuvent aussi influer sur l’attitude du Sénat. Attention enfin à ne pas trop triompher, car cela crée de la jalousie. Si Jules est trop glorieux, une carte Evénement (Le Rubicon) peut le forcer à retourner à Rome pour mater une rébellion interne, ce qui le contraint à mettre un terme à son invasion, et met fin au jeu.
Les combats sont censés être simples, mais offrent quand même certaines subtilités. Il est ainsi possible pour le défenseur de tenir son terrain, de défendre ses alliés, de contre-attaquer… On peut aussi se replier d’un combat pour limiter les pertes, mais en perdant la capacité de contre-attaquer. Les Gaulois et Germains peuvent tendre des embuscades, les troupes d’élite ne sont pas forcément éliminées lorsqu’elles prennent des pertes, la présence de certains chefs peut aggraver les pertes subies par l’ennemi, et autres joyeusetés de la sorte…
Les sièges fonctionnent de façon pratiquement identique aux batailles. Les assiégés voient cependant leurs pertes divisées par 2. Le fait de vaincre les défenseurs n’est pas suffisant pour détruire la citadelle (ou le fort romain), il faut en plus réussir un jet de dé. Les forteresses sont en général immunisées aux effets des cartes Evénement, etc. Quelques nuances, donc, mais l’ensemble ne paraît pas compliqué.
Un mot sur le système d’activation. Il est beaucoup plus coûteux pour le Romain d’opérer des actions. Il en coûte généralement 2 points de Ressource à César pour pouvoir agir, alors que ce coût est en général de 1 pour les Gaulois pour une action similaire. Ce système simule la difficulté d’amasser du ravitaillement et d’en conserver des stocks conséquents dans un territoire ennemi… et souligne encore plus l’importance pour Jules de trouver un bon compromis avec son allié éduen…
Une dernière chose avant de vous laisser. Le jeu est plutôt conçu pour être joué à 4, mais rien n’empêche de le pratiquer à 2, auquel cas le Romain et l’Eduen forment un camp, et les 2 gros barbares chevelus arverne et belge forment l’autre camp. On peut même le jouer en solitaire ! Enfin, un scénario (celui où les Belges viennent d’être mis KO par César), se prête très bien à une partie à 3 joueurs.
Au final, encore un jeu prometteur, qui devrait ravir tous ceux parmi vous qui regrettent que l’on ne parle plus gaulois en France (et qui de ce fait jalousent les Bretons qui, eux, parlent encore une langue celtique… mais bon, pas tous…).
Allez, bon jeu, et à +.
Uphilit
Pingback: Ouverture : Falling Sky (GMT Games) | STRATEGEEK
Tu fais dans la dithyrambe 🙂
Ah ? Du coup, j’ai relu l’article. J’admets avoir utilisé « tout ceci est bel et bon » et « l’ensemble ne paraît pas compliqué » avant de conclure sur « encore un jeu prometteur. » Le reste de l’article (assez long, quand même) se limite à des descriptions… Alors c’est vrai, je ne suis pas complètement neutre, j’ai un avis positif que je tiens à faire savoir, mais de là à parler de « dithyrambe, » je vois pas très bien… Question de point de vue, sans doute 🙂
Article sympathique et marrant sur les petites commentaires.
Quelqu’un a t’ils la traduction des règles? Je viens de recevoir le jeu… Et je sais, si on ne maitrise pas l’anglais, on prend pas ce genre de jeu… Mais le problème est autre.
Merci
Désolé pour la faute.
Merci ! La traduction française des règles n’est pas encore dispo, mais surveille le site de GMT, si cette traduction vient à être faite, tu la trouveras dans leur site. Je pense que tu as raison d’acheter le jeu même si la trad n’est pas dispo, il faut aussi savoir se faire plaisir, parfois !!
Reçu. Et absolument, je préfère l’avoir, comme d’autres jeux, plutôt que t’entendre qu’il redevienne dispo comme au hasard:Sekigahara: The Unification of Japan.
Je vais continuer à parcourir ce site.👍🏻
Avis aux amateurs, un ami et moi avons traduit l’intégralité des règles, playbook, cartes et aides de jeu. Sortie dans quelques jours 🙂