Je m’amuse toujours de constater combien un titre peut sonner très sympa en anglais, et tout pourri en français. Prenons par exemple le nouveau jeu proposé en P500 par ConsimPress, Storming the Heights. Si je traduis ce qui sonne au départ très agréablement à mon oreille, j’obtiens un insipide « Prendre d’Assaut les Hauteurs » ou, si j’améliore un peu, « A l’assaut des Hauteurs » ou peut-être, « Orage sur les Hauteurs » ou encore « les Hauteurs se font prendre d’assaut par la vengeance du fils de l’Orage »… Orage, ô désespoir, plutôt, oui…
Bref, tout ça pour dire que malgré ma traduction débile, « Storming the Heights » a sonné suffisamment bien lorsque je l’ai vu sur le site de ConsimPress pour que je clique sur l’objet en question dans le but d’en savoir un peu plus, et ensuite vous en faire part. Alors, de quoi s’agit-il ?
Eh bien, il s’agit d’un jeu de Joseph Miranda, designer émérite, auteur de plusieurs dizaines de wargames (surtout dans les numéros de Strategy and Tactics), et dont la réputation n’est plus à faire. Une garantie de qualité, j’ose le dire. Il se lance ici dans la représentation d’une bataille majeure d’un conflit par ailleurs bien peu simulé dans notre hobby : la Guerre de Crimée. Ce jeu est à l’échelle de 300m par hexagone, chaque tour représente 30 minutes. Les unités y sont des bataillons d’infanterie, des régiments de cavalerie et des batteries d’artillerie. L’ensemble est d’une complexité modérée, et les parties sont censées durer de 3 à 5 heures.
Je ne connais pas beaucoup de wargames ayant abordé cette situation. A vrai dire, je ne me souviens avoir possédé qu’un seul autre jeu simulant un épisode de ce conflit, un certain « Alma », produit par GDW, dans leur série 120. Et c’était il y a belle lurette…
Faut dire que cette guerre ne semble pas avoir bouleversé l’histoire de l’Europe. Et pourtant, elle a impliqué quelques sacrés ténors de l’époque. Comment ? Ca n’évoque rien dans vos esprits rabougris ? Va encore falloir que tonton Uphilit vous fasse un petit rappel historique ? Bon, c’est d’accord, mais c’est un peu parce que je vous aime bien, et beaucoup parce que vous faites vraiment pitié, tiens ! Laissez-moi juste rassembler et ordonner mes souvenirs… (mais où ai-je fourré mon Atlas des Guerres, Nom de Zeus… bon, tant pis, vite, Wikipédia…).
Ah oui, ça y est, je me souviens… alors voilà :
La guerre de Crimée opposa de 1853 à 1856 la Sainte Russie à une coalition formée de l’Empire ottoman, de la France, du Royaume-Uni et du royaume de Sardaigne. A cette époque, l’empire Russe est en pleine expansion, en particulier en direction de la Mer Noire. Il chasse les Ottomans (en plein déclin) des rives de cette mer, et commence à regarder avec gourmandise au-delà. Effrayés par cette expansion qui menace l’équilibre européen, les Anglais et Français décident d’intervenir et de soutenir les Ottomans. Voilà donc une armée coalisée qui débarque en Crimée le 14 Septembre 1854 pour tenter de s’emparer de Sébastopol, la grande base navale de la région, indispensable à la poursuite de l’avancée russe. Les Russes évidemment, goûtent moyennement ce débarquement, et envoient des troupes chasser les importuns. Les deux armées ne tardent pas à se rencontrer sur le fleuve Alma, et la bataille fait rage le 20 Septembre. Les Alliés remportent cette baston, mais la victoire n’est pas décisive, et les Russes se retirent en plus ou moins bon ordre sur Sébastopol, qu’il va falloir désormais assiéger…
Cette bataille de l’Alma est bien sûr le sujet de notre jeu. Le designer déclare que l’intérêt de sa simulation tient au fait que les commandants des 2 armées firent preuve d’une grande médiocrité, et que le résultat n’était aucunement garanti. Il indique même que les événements de la bataille furent plutôt le fait des décisions prises à des échelons inférieurs du commandement, voire par les soldats eux-mêmes.
Forcément, on devine qu’entre nos mains expertes, et sous notre direction inspirée, les armées se conduiront brillam…, hum… différemment, et qu’il y a du coup matière à se creuser les méninges pour obtenir un meilleur résultat que les zozos en charge historiquement. Fort bien, faire mieux qu’un nullissime étoilé me semble à ma portée !
Alors, comment mister Miranda a-t-il décidé de représenter cette empoignade ?
Sans grande surprise, il a choisi un système de commandement assez original. Il faut dire que les généraux alliés se montrèrent peu inspirés (litote !) puisque Lord Raglan, général anglais ne donna, semble-t-il, qu’un seul ordre dans toute la bataille : « l’infanterie avancera. » Eh ouais, c’est tout ! Evidemment, ça paraît un peu léger… Saint Arnaud, le général français, ne fit pas vraiment mieux, se contentant d’un « Avec de telles troupes, point n’est besoin d’ordres. » Le commandant Russe s’avéra le plus compétent puisqu’il eut l’idée géniale d’essayer de manœuvrer ses réserves, sans parvenir à faire autre chose que réagir aux mouvements alliés, hélas pour lui…
Bref, il fallait un sacré système pour simuler ces 3 brêles, et faire en sorte que la partie reste agréable.
Du coup, les généraux en chef n’ont pas beaucoup d’impact sur la partie. Ils peuvent déplacer des unités proches, et apporter un modificateur au dé ici ou là. Les unités sont en fait pourvues d’une Initiative qu’elles pourront utiliser pour contourner des ordres reçus, et ainsi mieux simuler les décisions prises au milieu des combats pour profiter d’une occasion. Il va falloir apprendre à placer les leaders au bon endroit au bon moment … voire, parfois, à faire s’éloigner un commandant inepte, et laisser ses troupes se débrouiller sans lui !
Les différences d’armement pèsent aussi sur la castagne.
Les Alliés, équipés d’armes plus récentes, ont eu tendance à se déployer en ligne pour profiter d’une meilleure cadence de tir et d’une meilleure portée, en particulier les Anglais, qui se voient pourvus dans ce jeu d’un meilleur facteur de combat. Les Russes, équipés de vieux mousquets ont semble-t-il privilégié le choc, et appliquent la méthode des formations en colonnes. Ils ont cependant une meilleure artillerie (visiblement une constante dans l’histoire de l’armée russe). Les Français, eux, très inspirés, forment des colonnes composées de lignes, les gros copieurs ! Les différences de formations sont simulées par des pions de tailles variées, et les grosses masses russes s’opposeront à des unités alliées plus minces, mais plus agiles.
Notons que le jeu fait usage de zones de contrôle à l’ancienne, dans lesquelles il faudra s’arrêter. Jojo explique cela par la médiocrité du commandement, qui ordonnait systématiquement l’arrêt des troupes au contact de l’ennemi. Il ajoute quand même que la fumée, le bruit, et la confusion du champ de bataille se prêtaient mal aux manœuvres risquées. Dont acte ! Bref, l’effet rendu est que le contact tend à immobiliser les armées.
Les combats font appel à 2 tables différentes. La table de tir, et celle de mêlée. Rien de bien nouveau à priori. Toutefois Jojo explique qu’un corps à corps n’a aucune chance de réussite, même avec un gros avantage numérique, si l’ennemi n’a pas d’abord été sérieusement secoué par des tirs. On sent qu’on se rapproche doucement de la guerre de Sécession ou de celle de 1870, voire de la première GM. Dans tous les cas, il sera très difficile de balayer l’ennemi d’un coup. Il faudra longuement l’user avant de le voir prendre la poudre d’escampette. Les résultats des combats sont donnés en termes de désordre et d’éliminations. L’essentiel est de briser la cohésion d’une unité (les pertes d’effectifs ne semblent pas vraiment entrer en ligne de compte), même les corps à corps ne causent que peu de pertes, car un camp va moralement craquer et fuir avant l’autre…
Voilà pour l’essentiel. Le matériel a l’air très bon, avec en particulier une carte bien sympa si l’on en juge par le petit bout visible dans cet article. Vous trouverez ceci dans la boîte :
Une (belle) carte de 55 cm x 85 cm
Plein de pions
Un dé 6 et un dé 10.
Les règles et des aides pour 2 joueurs
Voilà pour sortir un peu de nos champs de batailles habituels…
Bon jeu, et à +
Uphilit